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Pour que demain soit synonyme de bien-vivre


par Pierre Novello
Journaliste

Passée la cinquantaine, chacun commence à prendre conscience du temps qui passe : la perspective de la retraite prend corps progressivement. Nombreux sont ceux qui espèrent alors pouvoir réaliser les rêves de toute une vie de labeur. Mais pour pouvoir disposer des ressources nécessaires à une retraite confortable ou encore de laisser un héritage à ses enfants, il faudra s’être montré économe en profitant de tous les cadeaux du fisc.

Nombreux sont celles et ceux qui pensent qu’une épargne forcée, sous la forme de l’AVS et d’un 2e pilier très généreux et alimentée par des cotisations versées tout au long de la vie active, suffit à atteindre ses objectifs. Mais c’est loin d’être toujours le cas. D’autant plus que la prévoyance professionnelle sous sa forme surobligatoire est sous pression depuis une quinzaine d’années, avec une baisse graduelle du taux de conversion. On rappellera que ce taux sert à calculer la rente qui sera versée à l’assuré sur la base de son avoir accumulé dans le 2e pilier.

Il faudra souvent faire un effort supplémentaire pour compléter ces ressources futures, en profitant des avantages fiscaux offerts par un ou plusieurs produits de 3e pilier lié, surtout si l’on désire partir en retraite anticipée. Mais pas à n’importe quelle condition. Mais voyons plutôt l’ensemble des possibilités offertes dans le cadre du système des trois piliers pour améliorer sa prévoyance.

Ajournement ou anticipation de sa rente AVS
Si l’on commence par le 1er pilier, soit l’AVS pour la prévoyance vieillesse et survivants, on constate qu’il n’y a guère de possibilité d’améliorer ses rentes. Pour ceux qui en ont les moyens, la solution passe par l’ajournement de versement de leur rente jusqu’à 5 ans après l’âge légal de la retraite, soit 65 ans pour les hommes et 64 ans pour les femmes. Les assurés qui retardent au maximum la prise de leur rente AVS choix pourront alors obtenir un gain de 31,5% de la rente qu’ils auraient reçues à l’âge légal. Cette décision dépend non seulement de ses besoins en liquidités – ce sont en principe les personnes qui restent en activité et dégagent donc un revenu – durant la période d’ajournement, mais aussi de son espérance de vie. Par ailleurs, il faut noter que ceux qui poursuivent une activité lucrative durant la période d’ajournement devront continuer à payer des cotisations AVS, sans que ce supplément ne contribue à améliorer leurs rentes futures. Ces cotisations bénéficient toutefois d’un abattement de 1’400 francs par mois, qui réduit d’autant le montant soumis à cotisation.

A contrario, et qui correspond sans doute aux désirs de la majorité de la population active, c’est l’anticipation de la retraite et donc des rentes de vieillesse de l’AVS, qui peuvent être prises avec un ou deux ans d’avance. Dans ce cas, la réduction de la rente serait respectivement de 6,8% et de 13,6%. Sans oublier l’obligation de poursuivre le versement des cotisations jusqu’à l’âge officiel de la retraite !

Rachat dans le 2e pilier
En revanche, le 2e pilier offre à de nombreux actifs qui accusent des lacunes dans leur caisse de pensions de vrais cadeaux fiscaux, grâce à la pleine déduction des rachats sur le revenu imposable. Ces avantages ne sont pas réservés aux salariés, puisque les indépendants peuvent également s’affilier à une caisse de pensions sur une base volontaire et profiter ainsi des déductions fiscales autorisées.

Ces cotisations volontaires sont toujours possibles lorsqu’on entre dans une caisse de pensions et, en principe, chaque année. Toutefois, on ne peut se contenter de l’avantage fiscal procuré par ce type d’opération pour prendre sa décision. Il faut également considérer l’aptitude de l’institution à assumer ses promesses de prestations, en se basant fondamentalement sur le taux de couverture. On rappellera qu’il s’agit du rapport entre les actifs nets de la caisse de pension et les engagements de la prévoyance, ainsi que les provisions dites techniques, qui couvrent les risques de longévité et d’invalidité. Cette mesure est nécessaire mais insuffisante : il faut également considérer la structure d’âge de l’institution de prévoyance. En d’autres termes, une caisse qui compte une proportion élevée de retraités, et dont les rentes sont donc fixées jusqu’à leur décès, aura beaucoup de peine à redresser la situation en cas de difficultés.

Échelonnement des rachats
Si les rachats s’avèrent justifiés, encore faut-il choisir le bon échéancier. La stratégie sera toutefois différente selon que la caisse applique un plan en primauté de prestations ou en primauté de cotisations. On rappellera qu’en primauté de prestations, qui concerne essentiellement les caisses publiques, la rente est fixée par un taux de pourcentage du dernier salaire, tandis qu’en primauté de cotisations, elle sera calculée par l’accumulation des cotisations et du rendement des capitaux. En primauté de prestations, il est en principe recommandé de procéder aux rachats le plus tôt possible, car ils deviennent de plus en plus chers au fil temps, contrairement à ceux des caisses en primauté de cotisations. En effet, dans ces dernières, le montant racheté est crédité sur l’avoir de vieillesse : le coût à la charge de l’assuré est donc le même quel que soit son âge.

En termes fiscaux, la stratégie de rachat s’avère en revanche identique dans les deux régimes : le principe de base est d’éviter des rachats massifs en une seule fois, mais plutôt de les échelonner sur plusieurs années. Non seulement parce que le versement pourrait dépasser le revenu imposable, mais aussi parce que l’impôt est progressif, c’est-à-dire que les déductions fiscales sont particulièrement avantageuses pour les tranches de revenus les plus hautes.

Toujours en primauté de cotisations, il peut être intéressant de repousser le plus tard possible les rachats éventuels, surtout si l’institution de prévoyance n’assure que des rendements très faibles. Il pourrait en effet s’avérer plus judicieux d’investir entretemps sur d’autres instruments financiers, et de procéder aux rachats quelques années avant le départ en retraite. Mais, dans ce cas, ceux qui voudraient retirer leur capital devraient effectuer ces rachats au moins trois ans avant cette échéance. Sinon, l’économie fiscale qui leur serait liée devrait être remboursée.

Souscription de produits de 3e pilier lié
Mais les actifs auraient tort de s’arrêter en si bon chemin, car ils peuvent – s’ils en ont les moyens – profiter des avantages offerts par le 3e pilier lié. Cette forme de prévoyance bénéficie en effet de substantiels avantages fiscaux : un salarié assuré auprès d’une caisse de pension peut déduire jusqu’à 6’883 francs par an de son revenu imposable et un indépendant non affilié à une institution de prévoyance jusqu’à 34’416 francs. Un impôt est toutefois prélevé lors du retrait des fonds à l’échéance, mais à un taux réduit. L’opération s’avère donc globalement positive pour l’assuré.

Mais ces cadeaux fiscaux sont très encadrés et sont limités à deux formes de placement : d’une part, un compte de prévoyance auprès d’une fondation bancaire, d’autre part, une assurance vie ­ – assurance risque pur ou assurance mixte – auprès d’une compagnie d’assurance. Et, parmi d’autres contraintes, les fonds sont bloqués jusqu’à cinq ans au plus tôt avant l’âge de la retraite AVS, à quelques exceptions près, dont l’utilisation de ces fonds pour l’accession à la propriété de son logement, à l’instar des fonds placés dans le 2e pilier.

Amortir son emprunt hypothécaire par le 3e pilier lié
Pour favoriser l’accession à la propriété, le législateur va plus loin encore, puisqu’il autorise également le recours aux fonds du 3e pilier lié pour amortir une partie de la dette hypothécaire sous une forme indirecte. En d’autres termes, au lieu de rembourser chaque année une fraction de l’emprunt, on accumule ce montant sur le produit de prévoyance. À l’échéance, ou tous les cinq ans, on rembourse d’un coup les sommes accumulées. A priori, cette stratégie paraît quelque peu étrange car elle implique que l’on paiera au bout du compte des intérêts plus élevés.

En fait, le facteur principal permettant de privilégier cette solution vient des déductions fiscales sur les cotisations au 3e pilier lié, tandis que les intérêts supplémentaires à payer sont également déductibles et que les intérêts issus du compte de prévoyance, si l’on choisit cette option, sont à l’abri de tout impôt. Au bout du compte, cette combinaison s’avère en général, et dans tous les cas pour les revenus les plus élevés, comme moins coûteuse qu’un amortissement direct.

Les placements financiers
Si l’on dispose de plus de moyens, et après avoir tiré parti de toutes les économies décrites précédemment selon les objectifs que l’on s’était fixé, on peut s’intéresser aux placements financiers, au-delà du simple matelas de liquidités. En partant des produits les plus sûrs, mais évidemment les moins rentables potentiellement, on commencera donc par les comptes d’épargne et les parts de fonds de placement sur les marchés monétaires. Puis, moins liquides et plus risquées, mais de manière modérée, on trouvera les obligations qui sont des titres à revenu fixe et remboursables à l’échéance. L’avantage de ce type de produit est qu’il permet de planifier ses paiements et, si nécessaire, de le revendre avant l’échéance. Mais l’obligation n’échappe pas à l’impôt sur le revenu.

Plus risquées que les obligations, les actions sont des titres de copropriété qui confère à chaque propriétaire des droits sur la société anonyme qui les a émis. Les actions sont nettement avantagées par la fiscalité, qui exonère les gains en capital. Pour les amateurs d’émotions fortes, on trouve de multiples produits plus ou moins sophistiqués, mais qui se caractérisent par un fort effet de levier, tels les options ou les futures.

Mais quelle que soit sa situation financière, la prise de risque doit toujours être pondérée par la nécessité de disposer en permanence de liquidités suffisantes pour faire face à ses échéances et, enfin, de garantir quoi qu’il arrive sa sécurité financière, même en cas de krach boursier par exemple.

Planifier sa retraite
Pour ceux qui s’approchent du départ en retraite, le temps est venu de songer à organiser la transition. Car même s’ils s’y sont bien préparés, en profitant de tous les avantages offerts par le fisc et disposent d’un solide patrimoine, ils ne pourront faire l’économie d’une planification financière qui leur permette de s’assurer que leur train de vie futur sera toujours couvert par des revenus correspondants.

Si le principe apparaît très simple, son application s’avère en fait plutôt complexe. Car non seulement il faut évaluer ses dépenses à venir, en établissant son budget de futur retraité, mais il faut le détailler, année par année, jusqu’à un âge avancé. Il faut en effet éviter des crises de liquidités momentanées, mais aux effets désastreux surtout lorsqu’on perd de son autonomie. Ce qui implique de nombreuses hypothèses sur l’évolution du coût de la vie au cours des années à venir. L’exercice est d’autant plus difficile que le poste de dépenses inclut très naturellement les impôts. Enfin, et ce qui rend la tâche si ardue, c’est que le départ en retraite s’accompagne d’une série d’options aux conséquences très différentes.

Rentes ou capital

Parmi les principales possibilités, on mentionnera l’alternative entre la prise de son 2e pilier sous forme de rentes ou de capital. En choisissant le retrait du capital, le futur retraité devra faire face à la gestion de ces fonds, à moins qu’il ne se décide pour des rentes viagères et/ou encore à l’amortissement complet de son logement dont il serait propriétaire. Dans chaque cas, le budget futur sera complètement différent, avec ses inévitables répercussions au niveau fiscal.

Pour évaluer la meilleure solution en fonction des besoins et des moyens de chacun, il faut obligatoirement se livrer à différentes simulations pour déterminer celles qui seraient les plus avantageuses. C’est évidemment un travail qui nécessite un savoir-faire, des connaissances et des outils de calculs professionnels, complètement hors de portée de l’individu moyen. À ce stade, il faudra de toute façon recourir aux conseils de planificateurs chevronnés et compétents.

Penser à la succession
L’un des buts d’une planification financière complète devrait aussi consister à préparer les conditions d’une succession harmonieuse. Il s’agit notamment de protéger le conjoint survivant qui pourrait se retrouver en difficulté face aux prétentions des autres héritiers légaux, surtout si l’essentiel de l’héritage est constitué par le logement familial.

Mais on peut trouver des issues satisfaisantes pour toutes les parties, surtout si les membres de la famille font preuve de bonne volonté, par le biais d’un pacte successoral qui permet de modifier les règles de succession. Parmi les solutions, on évoquera la donation de la maison en échange d’un droit d’habitation ou d’un usufruit, permettant au conjoint survivant de finir ses jours dans ses murs, ou au tout au moins jusqu’au moment d’une éventuelle entrée en EMS.

À l’inverse, il faut prendre garde à ne pas léser ses propres enfants en cas de famille recomposée si l’on vient à décéder en premier. Pour les protéger, on pourra ainsi choisir un régime matrimonial qui leur soit plus favorable, soit la séparation de biens.

Enfin, il faut prendre garde au statut légal de son compagnon ou de sa compagne, non-marié ou non partenaire enregistré, en cas de décès. Car cette personne sera considérée comme complètement étrangère à son partenaire de vie. Sans testament, elle pourrait ne rien toucher sur l’héritage de son compagnon ou de sa compagne. Et même si elle était désignée dans un tel document, ses droits pourraient être sévèrement limités par les parts réservataires des héritiers légaux, comme le prévoit la loi. Par ailleurs, ces étrangers à la famille vont se retrouver matraqués par l’impôt sur les successions dans la grande majorité des cantons. |