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Immobilier de luxe en Suisse: vers des sommets insoupçonnés


par Jean-François Beausoleil
Directeur régional UBS Genève

et Patrick Bourloud
Directeur régional UBS Romandie

Malgré – ou à cause – du Covid, les prix de l’immobilier de luxe en Suisse ont affiché une croissance de plus du double de la moyenne du marché. Mieux: l’envolée devrait perdurer dans le proche avenir. Explications sur ce phénomène aussi surprenant qu’inattendu.

C’est l’une des principales conclusions de l’UBS Luxury Property Focus 2021, l’étude sur l’immobilier de luxe publiée chaque année par la Recherche de la banque: loin de casser le marché, la pandémie a déclenché un boom de la demande en biens immobiliers de luxe. En effet, l’an passé, le nombre de transactions a augmenté de plus de moitié comparé à 2019. Plus fort: il se situe ainsi environ au triple de sa moyenne sur cinq ans.

«En 2020, l’augmentation de la demande dans le segment du luxe a fait grimper les prix de 9% – soit nettement plus que la moyenne de 4,4% enregistrée sur le marché suisse des logements en propriété», explique Katharina Hofer, experte immobilière au sein de la Recherche d’UBS.

Ruée vers l’or dans l’arc lémanique
La commune la plus chère du pays sur le marché suisse de l’immobilier de luxe (soit les 25 municipalités qui concentre le 5% des propriétés les plus onéreuses) reste… Cologny. Une nouvelle qui ne surprendra surtout pas les Genevois.

Dans le segment de prix supérieur, la banlieue huppée de la rive sud du Léman offre des propriétés à partir de 36 000 francs le m2. Pour une villa de 400 m2, il faut donc tabler sur un prix d’achat dépassant les 14 millions de francs.

Dans Cologny la luxueuse et dans ses voisines telles que Collonge-Bellerive, Chêne-Bougeries ou Vandœuvres, les prix ont grimpé de plus d’une quinzaine de pourcent en moyenne en l’espace d’un an. En revanche, autour du lac de Zurich et en Suisse centrale, la hausse des prix dans le segment du luxe a été plus modérée, à 6% de moyenne.

Sur le marché des résidences secondaires, c’est à Gstaad (BE) que l’on trouve les biens les plus chers. Un prix au m2 de plus de 30 000 francs n’y est pas rare. En Haute Engadine aussi, du côté de St-Moritz (GR), le segment du luxe démarre à un niveau tout juste inférieur, talonné par Verbier en Valais. Dans ces communes de montagne, l’immobilier de luxe a également augmenté de 10%.

Forte croissance du patrimoine et des valeurs sûres
L’une des raisons de l’explosion de la demande réside dans l’évolution positive des marchés financiers, qui a entraîné une augmentation de la richesse des acheteurs de propriétés de luxe dans le pays.

En outre, la valeur à long terme du segment Luxe a été particulièrement sollicitée compte tenu de l’évolution économique incertaine. Au cours des dix dernières années, les prix de l’immobilier haut de gamme ont augmenté de plus d’un tiers en moyenne. Dans certaines communes, les valeurs ont pu même aller jusqu’à doubler.

La Suisse plus attractive au niveau international
L’autre raison qui explique le boom des prix de l’immobilier helvétique de luxe tient au fait que la Suisse est, dans le segment du luxe, très attrayante au plan international. Contrairement à l’opinion qui prévaut généralement dans le pays. La Suisse suscite dès lors un intérêt croissant auprès des acheteurs étrangers. Dans la compétition avec les destinations étrangères, elle a même renforcé sa position depuis le début de la crise du coronavirus.

Pour Claudio Saputelli, responsable de la Recherche immobilière au plan mondial chez UBS, trois raisons expliquent cet attrait et cet engouement. Tout d’abord, les mesures helvétiques de lutte contre la propagation de la pandémie étaient nettement moins restrictives qu’en France, en Italie ou en Grande-Bretagne. Or, c’est de ces pays que provient la majeure partie de la demande étrangère en biens de luxe suisses.

Ensuite, la faible dette publique actuelle et future de la Suisse rend peu probables des augmentations massives d’impôts– contrairement à la zone euro, où le risque d’une fiscalité plus lourde frappant les hauts salaires est manifeste. Surtout que la dette publique y est nettement plus élevée et augmente encore.

En outre, la qualité du système de santé tend à devenir un critère toujours plus essentiel dans le choix d’un domicile. Enfin, comme souligné en préambule, en comparaison avec les stations ou les villes les plus huppées au plan mondial, les prix helvétiques sont tout sauf exorbitants, très loin des sommets de Monaco, Aspen (USA) ou Hong Kong.

Une envolée durable
Des hausses des prix comme celles de l’an dernier ne sont ni rares, ni permanentes sur le marché de l’immobilier de luxe. Une baisse toute aussi forte peut succéder à une croissance des prix à deux chiffres. «Cependant, pour le moment, on ne constate aucun signe de baisse. Les moteurs actuels de la demande restent d’actualité, sur fond de reprise de l’économie», nuance Matthias Holzhey, responsable de la Recherche immobilière suisse chez UBS.

Par conséquent, on peut continuer à tabler sur un nombre de transactions supérieur à la moyenne et sur des augmentations locales des prix, même si la dynamique s’affaiblit. A l’horizon 2022, la demande potentielle restera plus élevée qu’avant la pandémie du coronavirus, soutenant ainsi le niveau des prix. «Qui, sur les marchés mondiaux du luxe est à la recherche d’institutions stables et de sites haut de gamme reconnus envisagera probablement de plus en plus la Suisse comme lieu d’établissement», conclut Katharina Hofer. |

 

L’immobilier du luxe helvétique en comparaison mondiale
Avec un mètre carré de surface habitable coûtant plus de 67 000 dollars américains, Monaco reste la destination de luxe la plus chère au monde. A Hong Kong, le deuxième marché le plus onéreux pour l’achat d’une résidence principale, le coût du segment du luxe commence à environ 43 000 dollars. A Genève, où l’immobilier de luxe est le plus cher de Suisse, on relève des prix «relativement» plus avantageux, à partir de 25 000 dollars par m2, comme à Paris.

Dans les stations, les prix au mètre carré les plus élevés au monde se trouvent à Aspen, dans le Colorado, à 49 000 dollars. En comparaison, les logements de vacances dans les stations helvétiques de Gstaad ou de Saint-Moritz, les prix des résidences secondaires apparaissent «presque» bon marché puisqu’ils tournent autour des 30 000 dollars par m2.